Silence

“Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie”*

On me propose d’écrire le silence, voici comment je l’exprime. Si la parole est un lieu qu’on habite, la poésie est un jardin baigné de silence. Devant mes yeux passe un paysage vert d’horizon sans fin. À la fenêtre, j’avale le soleil. Je suis confinée et fais du silence de ma solitude, une page blanche. Chez moi c’est petit, mais c’est chez moi. Recoin de l’univers au temps muet qui se mue.

Pause.

Une douche chaude et je revêts une chemise blanche très douce, trop grande. J’enroule mon cou du foulard de soie bleu et violet que j’appelle liberté. Un jour, j’aurais une cabane près d’un lac entouré de montagnes. Un endroit de silence. Celui que la ville jusqu’à présent bourdonnante m’interdisait, et à qui seuls les applaudissements rendent aujourd’hui sa clameur.

Soupir.

“L’homme moderne” avait pourtant “perdu cette option du silence”*. Il y a ceux qui en ont trop dit, ceux restés sans voix, et ceux, trop nombreux, qui peinent à respirer. Quand la vie nous frappe au ventre, sa force nous oblige et les bouches se ferment. Hommage des voix qui se taisent, la Terre nous demande d’écouter.

Chut.

Deux amants se regardent sans dire mot: on dirait qu’ils préparent l’arrivée d’une parole. Promesse du plongeon des âmes dans le silence des yeux, les émotions les plus puissantes s’expriment à travers lui. Le silence résonne pour nous dire qu’il existe. Il suspend le temps, le dilate; fait le pont. Dieu que les traversées sont belles...

Absence.

Le silence à crever, le silence quand on crève.
Le silence contient la beauté de tout ce qui ne durera pas.
Le silence façonne, j’entre en fascination. Sublime effroi.

Pensées.

Qu’il est bruyant de se retrouver seul. Je m’entends murmurer: “tout ira bien”. Quand le monde se tait, le cerveau danse. À travers les rayons de mes pensées, j’entrevois le ciel du silence. Je m’en retourne à ce paysage infini, noyé de lumière. Réceptacle de la vie, le silence n’est pas l’absence de bruit; c’est la matière dans laquelle gravitent les atomes de ce monde et les mots de notre esprit. Il est là, palpable, source de tout ce qu’il contient. Certains l’accueillent comme un trésor, d’autres le fuient.

Stop.

Le silence est action. Ça tourne: il est hautement transmissible. Sa blancheur recouvre l’eau trouble. L’empreinte divine protège les secrets et enfante la paix. Doigt sur le masque, une mouche vole.

Retenir son souffle.

Retenir la quiétude, quand la vie reprendra. Retenir la parole, pour mieux entendre la lumière jaillir d’entre les mots. Retenir le soleil, pour n’avoir plus peur de la nuit. Et retenir que si rien n’est vrai que ce qu’on ne dit pas; alors dans ce silence, coule l’absolue vérité.


* Pensées, Blaise Pascal

* Le ticket qui explosa, William S. Burough

Texte écrit pour Do Nothing Club